
J’avais 9 ans, trop jeune pour m’en rappeler, mais assez vieille pour me rendre compte de l’atrocité de l’être humain. J’avais 9 ans, mais déjà assez mature pour comprendre que la violence ne résout rien, et encore moins, comprendre la haine qui en découle…
J’avais 9 ans, et une seule question persistait, pourquoi ? Pourquoi, s’en prendre aux innocents sans même les connaître ? Pourquoi propager le mal ? Tout son monde s’effondre, un parent, un frère, disparus.
Aujourd’hui, il m’est difficile d’entrer dans un lieu convoité sans avoir d’appréhension. A l’entrée de grands événements, nous devons montrer nos sacs et il y a souvent d’affiché une pancarte « plan Vigipirate ». Au lycée, c’est une présence régulière de militaires qui surveillent les entrées et sorties, sans parler de l’entraînement anti terrorisme qui consiste à se cacher sous nos tables. En bref, depuis les attentats, beaucoup de nos habitudes ont changé, afin de se projet d’une toute attaque. Mais ce qui devrait habiter nos esprits, c’est que nous ne devrions jamais s’empêcher de vivre, de penser, ou de se sentir libre à cause de la peur qu’un drame se produise.
Nawelle

J’avais alors 11 ans quand cela s’est produit. Heureuse et enjouée, je descendais de scène quand j’ai appris. Je n’ai pas compris tout de suite, il m’a fallu d’ailleurs plusieurs jours pour comprendre ce qui s’était passé sans comprendre pourquoi cela s’était passé. A une semaine de notre première représentation, le monde du spectacle avait été touché en plein coeur. Ce vendredi soir du 13 novembre 2015 un des lieux emblématiques de l’art de la scène parisien avait été foudroyé et avec lui tout ce qui s’y rapportait. Du haut de ma petite décennie et au beau milieu de la nuit je ne comprenais pas grand-chose mais rien que la perte d’engouement des autres comédiens quand nous sommes tous rentrés chez nous, le regard de mes parents sur la télévision et les images maintenant floues que nous montraient les journalistes, tout cela signifiait bien que quelque chose de grave s’était produit. Le lendemain, on m’a expliqué. Le Bataclan, salle de spectacles et de concerts, avait subi un attentat. Des gens s’en étaient pris à l’art, à ce que je pratiquais moi-même régulièrement et qui me rendait fière, me rendait plus forte. Comment ces personnes avaient pu s’en prendre à ce qui rendait d’autres gens heureux ? Comment avait-on pu mettre fin à la vie de jeunes et moins jeunes qui venaient se détendre et prendre du plaisir ? Un plaisir que je connaissais moi aussi très bien et qui par leur faute était mis en péril. J’étais en colère. Notre troupe se demandait quoi faire, maintenir ou annuler notre spectacle ? Ce groupe de terroristes, à qui pour moi à l’époque, il manquait « une case », venait de poser un froid sur tout le travail, la joie et l’enthousiasme que j’avais de monter sur scène. Ils avaient réduit au silence non seulement mon travail et ma passion mais aussi des vies et une culture importante. A 11 ans, ma plus grande fierté vacillait et pour un enfant, au-delà de ces morts que je trouvais bien évidemment injustes, horribles et choquantes, m’empêcher de réaliser un de mes rêves les plus chers était devenu ma raison de me révolter numéro une. Je ne comprenais pas tout ce qui se passait autour de moi, je désirais juste que cette tristesse ambiante disparaisse, que tout redevienne comme avant. Ces évènements ne devraient pas avoir lieu, aucun être humain ne mérite de mourir parce qu’il a voulu profiter de la vie librement. Aucun enfant ne devrait voir ses rêves chassés ou mis en pause parce qu’une bande de dégénérés a décidé de commettre le pire des crimes. Massacrer des gens, massacrer l’art et la culture est un acte barbare, inhumain. Nous ne devrions pas avoir peur de mourir en écrivant ce que l’on pense, dessiner n’est pas un acte puni par la loi, parler, chanter, danser, jouer ou juste profiter ne sont pas des motifs de meurtres. Personne ne devrait être tué ni dans l’exercice de son travail, ni de sa passion, ni même pour le fait de profiter du plaisir qui nous est offert. Fort heureusement, le monde ne s’est pas arrêté de tourner, ce groupuscule n’a pas eu raison des français qui ont repris leur vie, pas comme si rien ne s’était passé mais plutôt comme un peuple davantage soudé.
Charlotte

Ce jour-là, je passais la journée avec maman, il n’y avait pas école…
Je me souviendrai toujours de maman dans la cuisine, le matin qui me dit en rigolant que ce jour plein de soi disant malheur était pour elle que superstition… Une journée si parfaite se dessinait devant moi. Le lendemain je devais partir à Paris pour le week-end dans la famille, si seulement je savais, si seulement, j’avais imaginé ce qui allait arriver ce jour-là.
Parfois j’y repense, à nous qui rentrions chez nous, maman qui range les courses dans la cuisine, moi qui me change pour pouvoir aller regarder la télé dans le salon. Seulement le programme télé a été bouleversé en si peu de temps comme si tout se stoppa en une seconde.
Une seule scène reste gravée dans ma mémoire. Moi qui arrive dans le salon en poussant la porte. Maman debout face à la télé qui pleure et la télécommande à terre. Comme une scène de fin du monde, je regarde l’écran et essai de comprendre des bris de mots, de termes et d’images. Tout ce que je peux deviner, du haut de mes 9 ans, c’est que la situation n’est pas normale et qu’une chose de grave est arrivée.
Alors ce soir-là, ce même soir de cette journée si parfaite passée avec maman, cette journée si idéale à la base. Ce même soir-là, nous passions la nuit devant la télévision à écouter les mêmes informations en boucles et en boucles, et voir les mêmes images sur toutes les chaînes. Le nombre de morts grandissait. Et la voix de maman essayant de trouver les mots pour m’expliquer les maux de cette situation.
Je me souviens ne pas avoir ressenti de tristesse sur le moment seulement de l’incompréhension, je ne comprenais pas comment cela pouvait être réel, comment c’était possible. Moi le petit garçon à qui on avait toujours répété que j’étais en sécurité dans mon pays, voyais une force d’ailleurs s’attaquer à ce que je pensais inattaquable.
Oui cette nuit-là, j’ai compris qu’au nom d’haine infinie des hommes s’attaquaient aux valeurs de mon pays, à sa liberté d’expression, à sa culture… A son identité. A mon identité.
Adel-Malik
Journée nationale d’hommage aux victimes du terrorisme
Samedi 11 mars 2023
Villeneuve d’Ascq
Monsieur le maire,
Mesdames et messieurs les membres du conseil municipal,
Mesdames et messieurs les représentants des associations,
Le 11 mars, date anniversaire des attentats qui ont frappé Madrid en 2004, devenu journée nationale et européenne d’hommage aux victimes du terrorisme, est l’occasion de nous réunir pour nous souvenir, partout en France, de nos compatriotes et de tous les européens tombés sous les coups d’une barbarie aveugle et de réaffirmer notre indéfectible solidarité à l’égard de ceux qui se sont relevés, à jamais blessés.
Le terrorisme, mû par une idéologie mortifère, frappe ceux qui nous sont les plus chers, à la sortie d’une école, dans les locaux d’un journal, dans une salle de concert, autant de lieux où s’exprime notre modèle de liberté, d’égalité, de fraternité.
Et pourtant, en cherchant à piétiner nos valeurs, le terrorisme ne fait que renforcer l’esprit de résistance qui cimente notre Nation. Résistance de la part des familles endeuillées, auxquelles nous nous associons, et qui font vivre le souvenir de leurs proches avec une grande dignité. Résistance de ceux qui, meurtris dans leur corps et dans leur âme, manifestent une formidable résilience, par leur refus de se laisser submerger par leur peur et la rancœur. Résistance, enfin, de notre pacte républicain, qui ne rompt pas face aux assauts dont il est l’objet.
Ce mois de mars vient nous en rappeler un autre : il y a cinq ans, le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, dans un geste de dévouement total, donna sa vie pour sauver celle d’un innocent. Sachons rendre hommage à nos forces, à la bravoure de nos soldats, au courage de nos policiers et gendarmes sans cesse en première ligne, à l’abnégation de nos agents de sécurité civile. Tâchons également de ne pas oublier la grandeur de simples passants, cultivant une parcelle d’humanité au détour d’une rue. Chacun de ces acteurs, professionnel ou de fortune, par ses actes, est porteur d’espoir parce qu’il nous rappelle que la fraternité, loin d’être une antienne réconfortante, est le cœur battant de notre société.
C’est un même élan de civisme, une même confiance en un monde meilleur que nous percevons dans les lectures émouvantes des représentants du Conseil des jeunes.
Par leurs paroles, ils nous rappellent notre véritable dessin : qu’au-delà de nous-mêmes, perdure une France fière de ses idéaux de paix, de justice et de liberté. Ces gestes, ces mots ne sont pas anodins, ils nous montrent que notre jeunesse s’érige comme la vigie de notre modèle de vivre ensemble.
Le projet terroriste est vain, car nous ne renoncerons à rien. Face au dogmatisme, nous répondrons par notre indéfectible attachement à cet héritage des Lumières, qui fait notre identité. Au mépris de la vie humaine, nous opposons l’ouverture et la tolérance. Contre le fanatisme, artisan de la division, nous prônons l’unité de la Nation.
Ce 11 mars, c’est en refusant toute concession face à l’obscurantisme que la République honore la mémoire de ses victimes.
Vive la République, vive la France.