La genèse du projet

Dès les années 1880, la création d'un grand boulevard pour relier Lille à Roubaix et à Tourcoing est envisagée. Les communications entre ces trois villes industrielles sont alors fort médiocres. Face à la frilosité des villes et à leur manque de moyens financiers, le conseil général du Nord se saisit du projet. En 1900, l'enquête publique est lancée et le tracé définitif est adopté en 1903. Les travaux démarrent en 1906 et l'inauguration se déroule le 4 décembre 1909.

Grand boulevard 1909

Profil en coupe du Grand Boulevard, 1909

Un boulevard révolutionnaire large de 50 m

L'ingénieur Arthur Stoclet fixe les caractéristiques techniques de cette nouvelle voie départementale. Tracée comme « un coup de sabre dans la plaine », elle s'étire sur 14,5 km et adopte la forme d'un Y dont les deux branches divergent au Croisé-Laroche à Marcq-en-Barœul. La branche sud du Grand Boulevard, en direction de Roubaix, traverse le nord de la commune de Flers (aujourd'hui Villeneuve-d'Ascq) sur une distance de 1,5 km.
La chaussée centrale, bordée de trottoirs, est dévolue aux voitures hippomobiles et aux automobiles. Elle est encadrée d'un côté par une double voie de tramway et de l'autre côté par deux pistes : une cavalière et une cycliste. À chaque extrémité une chaussée latérale avec trottoir dessert les habitations et supporte le passage des lourds chariots. Quatre rangées de 1 500 arbres chacune sont plantées.

Plan

Plan de la portion du Grand Boulevard situé à Flers : avenue de Flandre, 1932, Archives municipales de Villeneuve-d'Ascq, Ofl2

Une voie rapide urbaine

Dès le début des années 1950, le Grand Boulevard doit s'adapter à l'important développement de la circulation automobile : installation de feux tricolores, élargissements de la voie centrale. Des mini-tunnels sont creusés aux carrefours importants de 1972 à 1976 ; le dernier est réalisé en 2006. Relié à l'autoroute de Gand et au périphérique lillois, le Grand Boulevard est encore aujourd'hui l'un des principaux axes automobiles et cyclistes de la métropole lilloise et le seul axe de tramway.

Un tramway nommé « Mongy »

Alfred Mongy (1840-1914)

Cet ingénieur dont le nom reste associé au tramway du Grand Boulevard a d'abord fait carrière au service de la ville de Lille puis dans l'administration préfectorale, avant de devenir un entrepreneur privé de lignes de tramway. Il obtient du conseil général du Nord en 1904, la concession des deux lignes de tramway qui doivent emprunter le tracé en Y du nouveau boulevard.

Le tramway du Grand Boulevard

Les lignes sont établies à double voie à écartement métrique et installées sur une plateforme qui leur est spécialement réservée. Dès l'origine, les deux lignes qui joignent Lille à Tourcoing et à Roubaix sont à traction électrique. Elles totalisent 22 km et desservent une trentaine d'arrêts répartis sur neuf communes. Le tramway du Grand Boulevard, dont l'existence a été à plusieurs reprises menacée, est aujourd'hui le seul rescapé de l'important réseau des tramways de la métropole lilloise dont le démantèlement s'achève en 1966.

Motrice 401

Motrice 401 Motrice 401 en 1909 à Marcq-en-Baroeul

Les premières motrices électriques mises en service en 1909, dénommées « 400 », s'inspirent des « street-cars » des lignes interurbaines des grandes métropoles des États-Unis. Ces véhicules ne circulent plus sur des essieux (axe transversal fixe reliant deux roues), mais sur des bogies ( chariot à deux essieux portant l'extrémité d'un véhicule ferroviaire. Il est mobile par rapport au châssis du véhicule.). Puissance, vitesse et confort caractérisent alors ce tramway, le plus moderne de France.

À partir de 1950, de nouvelles motrices, les « 500 », remplacent leurs aînées.

Rame 1950

Rame 500 Nouvelle série de rames " 500 " en 1950 au dépôt de Marcq-en-Baroeul

En 1981, des rames articulées nommées « Düwag » entrent en service. Elles cèdent ensuite la place en 1994 aux actuelles rames articulées «Breda ».

Tramway

Tramway Düwag, années 1980, COTRALI, AMITRAM

Les sociétés exploitantes

De sa création à 1968, le tramway du Grand Boulevard est exploité par l'Électrique Lille-Roubaix-Tourcoing (ELRT), puis successivement par la Société nouvelle de l'électrique Lille-Roubaix-Tourcoing (SNELRT), les Transports en commun de la communauté urbaine de Lille (TCC) et depuis 1994 par Transpole.

Avenue de Flandre à Villeneuve-d'Ascq

L'urbanisation du Grand Boulevard

La création du Grand Boulevard a profondément influé sur le développement urbain de la métropole Lille-Roubaix-Tourcoing. L'un des objectifs premiers est d'y installer usines et habitat populaire afin de désengorger les villes. Mais cette nouvelle artère va en réalité offrir un cadre idéal aux opérations immobilières des catégories sociales aisées.

Les architectes locaux de renom vont donner la mesure de leur talent en y construisant hôtels particuliers et maisons bourgeoises. Promoteur d'un statut social, le Grand Boulevard révèle également l'avènement de la modernité : commerces, cafés, restaurants et garages automobiles investissent les rez-de-chaussée des immeubles.

Les architectures avenue de Flandre

De nombreuses parcelles sont loties pendant les années 1920-1930. Une quarantaine de bâtiments représentant trois types de construction sont remarquables. Les plus riches demeures du type hôtel particulier ont leur entrée placée latéralement, sous un porche ; l'accès au jardin est situé sur le côté.

Hôtels particuliers, variations dans le style pittoresque, n°39 à 43, Photographie ville de Villeneuve-d'Ascq, service Communication

La deuxième catégorie témoigne d'un genre bien établi dans les villes du Nord : la maison de type bel étage. La façade haute et étroite se découpe en deux travées : une large avec le garage et une étroite avec l'entrée.

Maison

Exemples de maisons bel-étage, n°84 à 88 avenue de Flandre, photographie service Communication

La troisième catégorie se compose d'immeubles à appartements.

Immeuble

Exemple d'immeuble à appartements, n°55 avenue de Flandre, photographie service Communication

Les styles et matériaux

Le foisonnement stylistique de la construction privée pendant l'Entre-deux-guerres se retrouve bien sur l'avenue de Flandre. La période éclectique avec influences historiques (néo-médiéval, néo-renaissant...), commence à passer de mode, même si on reconnaît ici ou là quelques motifs décoratifs de ces tendances. Les mélanges sont encore au goût du jour, mais avec des influences « art-déco » géométrique teinté de régionalisme, de pittoresque et de balnéaire. La véritable invention dans les années 1930 reste la déclinaison du style moderne international, le style « Paquebot ».

Maison paquebot

Maison style Paquebot, n°58 avenue de Flandre, 1935, architecte : Maurice Caucheteux, photographie service Communication

Les architectes utilisent une très grande variété de matériaux et rivalisent d'ingéniosité dans leur mise en œuvre. Ils varient les briques, leur appareillage, leur forme et leurs multiples coloris. Certaines façades sont réalisées en pierre de taille sculptée, héritées de la tradition éclectique du XIXe siècle. Des éléments de ferronnerie agrémentent balcons, portes et fenêtres ; ils apportent souvent la touche finale du style.